dimanche 29 mars 2009

Nulle part, partout, ailleurs...

Le vendredi 27.03.2009

J'avais compris à Varanasi que le train devait arrivé au plus tard à 6.00am. A 7.35am, après une petite nuit sous un ventilateur impossible à éteindre, nous sommes encore assis sur nos sièges...
Finalement, au bout de 15h30 de trajet, les machines stoppent à New Delhi Station à 7.40am.

Un taxi, des embouteillages, ultimes coups de klaxon, dernières rumeurs d'une ville agitée, et je me retrouve à l'Indira Gandhi International Airport. Toute cette frénésie, toute cette vie doit être inscrit à jamais en moi pour que je la quitte sans réaliser que je l'abandonne. A moins que je sois toujours dans ma bulle, si loin de l'idée de retour...

Check-in, douanes, duty-free... L'inconvénient, c'est qu'on n'est pas prévenu qu'une fois franchi les douanes, on ne peut pas échanger ses derniers roupies dans les bureaux de change ni acheter au duty-free sans passeport indien... Je me retrouve donc avec 600 roupies. "Heureusement", les cafés et autres cookies sont trés chers (!).

Dehors, il fait gris. Mon premier jour de mauvais temps après deux semaines de soleil indien.

Deux semaines... C'est si court pour un si grand pays...

Décollage à l'heure, 10.45am, sur le vol EK 511 d'Emirates.

Grande palette de films et, forcément, je choisis de prolonger mon voyage en Inde en suivant les aventures de Jamal, le héros de Slumdog Millionnaire. Je sens à nouveau les rues, j'entends encore la rumeur de la ville et les plaintes silencieuses des miséreux, j'admire ce jeune maharaja des temps modernes en quête de sa princesse...

Escale à Dubaï.

Ici, beaucoup...d'Indiens ; pour l'entretien de l'aérogare, pour le nettoyage des avions. Un terminal immense, moderne, des duty-free de luxe, des boutiques. Il y a même une boulangerie Paul. c'est sûr, je me rapproche de Paris...

Le vol EK 075 de 15.00pm, porte 226, m'attend. Mon dernier tronçon de route...

Quelle aventure depuis 5 mois, quelle vie, quelles péripéties, quelle intensité, quel chemin parcouru. Tout cela m'apparait comme une bulle en suspension, hors du temps, un rêve éveillé, léger et insouciant...Dans la jouissance quotidienne de l'instant, j'en ai oublié le temps...

Et le grand sablier de la vie se rappelle à moi lorsque j'émerge, petite tête enveloppée par le froid, hors du métro Pigalle. Arnaud et Vincent m'attendent autour d'une bonne bouteille de vin rouge, de la charcuterie et du fromage bien de chez nous. Tout reprend son court "normal" ; j'étais ici même il y a 5 mois, et j'ai l'étrange sensation que c'était hier...

C'est bizarre de voir que rien n'a changé pendant tout ce temps, que tout semble identique, alors que mille aventures trottent encore dans ma tête...Une chose, peut-être, me paraît modifiée : je trouve Paris bien plus calme que lorsque je l'ai quittée. Le chaos asiatique m'a apporté une autre référence sur l'animation des villes...!

Voilà, c'est la fin du voyage, en tout cas, de CE voyage. Une expérience magnifique que j'ai eu un immense plaisir à vous faire partager, des moments inoubliables écrits au présent pour qu'ils restent à jamais gravés en moi.

Peut-être que Chateaubriand a raison, « l’homme n’a pas besoin de voyager, il porte en lui l’immensité »...

N'empêche, le voyage fait parti de ces expériences uniques où la vérité émerge, où on se retrouve. Je suis parti et j’ai vécu. J’ai porté mon sourire en bandoulière, autant que j'ai pu, partout où je suis passé, profitant de chaque moment, oubliant le reste, me laissant progressivement envahir par la puissance libératrice de l’instant. C’est inestimable.

Des voyages, il y en aura d'autres, c'est sûr, de toute sorte. Mais jusqu'à quand résisterai-je à l'appel du grand large qui souffle désormais en moi ??....


Aujourd'hui dans le monde : "On voyage autour du monde à la recherche de quelque chose et on rentre chez soi pour le trouver." George Moore

Inde, Varanasi - c'est fini...

Le 26.03.09

Encore un réveil aux mâtines, 5.45am. Eole a bien fait son travail cette nuit et le ciel est complétement dégagé pour laisser le cercle rouge du soleil s'élever doucement au-dessus du Gange. Spectacle magique...Instant en suspension au-dessus des flots... Beauté des visages éblouis des pélerins.

Nous nous installons tranquillement sur les marches du Ghat baignées par les premières lueurs et observons, discrets absents, le va-et-vient des hommes et des femmes en chemin vers leur quête spirituelle.

Il fait bon, les lumières sont magnifiques ; elles se reflètent dans l'eau ou viennent trouvées refuge dans les saris multicolores, sur les visages souriants ou méditatifs. Des moines récitent des prières au micro, l'un d'entre-eux part dans un grand éclat de rire, comme pour se libérer de ses mauvaises ondes, des Occidentaux se laissent imprégner de la culture locale et pratiquent des exercices de méditation. C'est calme et serein. Au loin, les dernières braises d'un bûcher nocturne s'éteignent ; plus près, un cortège funèbre porte à bout de bras, sur un brancard recouvert de tissu or, la dépouille mortelle de l'un d'entre eux.

Nous nous baladons ensuite dans les petites venelles autour de l'hôtel. Nous prenons le temps de flâner et de nous arrêter sur le banc d'un boui-boui de rue pour déguster un délicieux tchai tea, le thé indien avec une touche de lait et agréablement rehaussé de fines épices. On en trouve partout, dans les rues, les hotels, les restaurants, dans les trains, sur le bord des routes.
Le tenancier nous remercie par le geste traditionnel indien, une petite inclinaison de la tête soit à droite, soit à gauche, parfois accompagné d'un clignement des paupières. Il est rare de dire merci ou bonjour (hormis pour les étrangers), ce geste délicat remplaçant l'un ou l'autre...

Puis tout s'enchaîne trés vite jusqu'à 14.30pm, heure à laquelle je quitte l'hotel Sonmony pour rejoindre la gare. Oui, cette fois, la fin de la route se présente à moi : je suis sur le chemin du retour, je mets le cap sur Paris, sans drame ni fracas, mais avec l'irrésistible envie de continuer...

Je dis au-revoir aux filles, Emilie et Fanny, les 2 instit' en vadrouille, adorables compagnonnes de route qui poursuivent la leur vers le Népal tout d'abord, puis encore plus à l'est ensuite. Il leur reste 4 mois et demi de voyage...Destins croisés...

Je ne réalise pas encore que, pour moi, c'est la fin de cette aventure et que demain, Paris m'attend.

J'arrive en avance à la gare. Heureusement, car mon train est annoncé avec un retard de plus de ... 3h. Il était censé arriver à Delhi à 4.40am, soit 6 heures avant le décollage de mon avion, une marge bien suffisante. Mais celle-ci se retrouvant subitement amputée de la moitié, et certainement davantage à l'arrivée, je me décide à prendre un autre train qui entre en gare d'ici 20 minutes. J'achète auprès du chef de gare un ticket general class, sans couchette pour la nuit (162 rps). Et en attendant, je me confronte une dernière fois avec le fourmillement d'une gare indienne et de ses excès. Un jeune homme décharné, avec la peau sur les os, fait l'aumône. Je lui donne des bananes et, lorsque je lui tends une bouteille d'1L, il a du mal à la porter... Un pays incroyable, mais d'une grande misère parfois.

Installé dans le train, je négocie avec le contrôleur une place avec couchette (165 rps). Finalement, mon billet pour Delhi m'aura coûté le double...

Mais l'essentiel est ailleurs ; comme le dit une sagesse persanne "le meilleur qu'on puisse ramener de voyage, c'est soi-même, sain et sauf."

Aujourd'hui dans le monde : "Ce que j'aime dans les voyages, c'est l'étonnement du retour." Stendhal
Bon vent à vous deux, Nini et Marquise, qui avaient embelli mes derniers jours de trip et avaient rendu plus doux mon retour à la vie...

Inde, Varanasi II


Le 25.03.09

Encore un lever bien matinal : 5.30am. Repos prévu dans une autre vie !!
On abandonne les oreillers pour assiter au lever de soleil au-dessus du Gange, un spectacle magnifique pendant lequel nous admirons les pélerins faire, sur le bord des marches, leurs premières ablutions du matin. Il y a également de nombreuses personnes qui viennent laver leur linge. Les pieds dans l'eau jusqu'aux genous, ils frottent leurs vêtements sur des pierres rectanguliares avant de les frapper vigoureusement plusieurs fois sur leur "table" de fortune. Les habits soint ensuite séchés au soleil sur la rive...
Malheureusement, quelques nuages viennent dissimuler l'astre solaire à notre vue. Les couleurs restent toutefois éclatantes et l'ambiance étrangement sereine et éthérée...

Baignades, immersions dans l'eau du fleuve, ingurgitation par trois fois de l'eau sacrée, offrandes, lavage au savon (!), brossage de dents, chant des moines, rites, viennent ponctués le rythme de cette matinée.

La qualité de l'eau du Gange reste douteuse ; on y incinère, on y jette les déchets, les excréments, on y lave les vaches, on y plonge par le fond le corps de certains morts qui n'ont pas le droit à la crémation (les morsures de cobra, les enfants, par exemple) ; l'eau est saumâtre, sombre, et laisse flotter à sa surface toute sorte de choses... Ca n'empêchera jamais un Hindou d'y venir pratiquer son sacerdoce. Et attention aux termes employés ! l'eau est peut-être sale, mais certainement pas impure...!
Nous avançons ensuite dans les venelles piétonnes de la ville et passons auprès du Golden Temple, haut lieu de l'hindouisme. Toute autre religion n'a pas le droit de pénétrer dans son enceinte ; on peut juste, après trois fouilles au corps successives (!) longer les murs et la foule d'Hindous venus faire la queue pour déposer leurs offrandes. Dehors, d'impressionnantes patrouilles de policiers et de militaires armés rappellent que les frictions entre Musulmans et Hindous sont fréquentes... Une vache sacrée, colossale, dans les 300 kilos, déambule calmement. Ce n'est pas ce genre de bestiaux qui sera embêté aujourd'hui...
Au cours de la ballade le long du Gange, un Indien s'avance vers moi pour me saluer. En me tenant la main que je lui adresse, il commence à me masser. Je me laisse faire sous les doigts experts de ce masseur impromtu. Ca s'appelle se faire forcer la main !! La chaleur et la poigne ferme et rassurante du bonhomme m'ont enlevé toutes vélléités répressives. Je me laisse faire 10 minutes, donne l'argent qu'il réclame et poursuis ma route.

Au déjeuner, c'est une vache qui s'invite. Elle passe d'abord une tête par la porte du restaurant, puis, sentant les bonnes odeurs de nourriture, elle pénètre, sans gêne, entièrement pour venir lorgner nos assiettes.
Le soir, nous assistons à nouveau à la cérémonie au bord du Gange, puis passons voir un lieu consacré aux crémations. Dans la nuit noire, plusieurs bûchers sont dressés ; on allume le bois en présence des proches qui entourent le mort. Les photos sont interdites, pour des raisons de respect évident. Cela n'empêche pas un intouchable, qui travaille dans ce crématoire à ciel ouvert, de me glisser discrètement qu'il connait un endroit tranquille où je pourrais appuyer sur la gâchette de mon numérique. Niet !
Autour, des montagnes de bûches s'adossent aux murs des bâtisses et des temples. Plusieurs essences sont répertoriées et leur prix, pour le brasier, dépend de la qualité d'ignition de chacune...(apparement, il arrive de retrouver des membres calcinés qui n'ont pas été totalement brûler...)
Nous finissons la journée sur la terrasse d'une guest-house, le première que nous avions visité en arrivant. Dîner agréable, mais des bourrasques de vent nous obligent à descendre de notre tour d'observation. Peut-être qu'Eole dissipera les nuages de la nuit et nous offrira un magnifique lever de soleil demain matin. Nous en sommes là de nos réflexions quand j'ai la bonne idée de proposer une courte paille pour savoir qui de nous 3 se lèvera demain à 5.30am pour constater la clémence ou non des cieux varanasiens...Je perds !


Aujourd'hui dans le monde :
"L'impulsion du voyage est l'un des plus encourageant symptôme de la vie". Agnes Repplier

Inde, Varanasi (Bénarès)

Le 24.03.09

A peine débarqués du train, nous prenons un rickshaw pour partir en quête d'un hôtel. Nous nous fions au Routard, bien que le conducteur, accompagné de son accolyte, nous conseille ses propres adresses. On circule dans les rues déjà mouvementées de la ville, dans ses petites venelles odorantes et pleine de charme. Malheureusement pour nous, aprés une, deux, trois guest-house, tout semble plein. Finalement, nous nous rabattons sur les conseils des deux Indiens (il y a tellement de loustics qu'on prefère se méfier parfois...) qui nous emmènent au bord du Gange, à l'Hotel Sonmony. Des chambres sont disponibles et nous prenons enfin nos quartiers vers 10.30am. Du haut de l'immeuble, sur la terrasse dégagée, autour d'un bon tchai tea, nous admirons la vue sur la rivière et apercevons les premiers signes de la vie religieuse de Varanasi, les ablutions et les crémations (j'apprendrai plus tard qu'il est interdit de photographier ces dernières)...

Varanasi tire son nom de deux cours d'eau, le Varuna et l'Assi, qui se rejoignent dans les environs ; une cité nommée par les étrangers Bénarès, apparemment issu d'une déformation de la prononciation du nom original... Varanasi est le centre vital de tout Hindou, c'est la Mecque, la Rome de l'hindouisme. Ici, les pélerins, les pieux habitants viennent, en communion avec le Gange, pratiquer toutes sortes de rites en concordance avec leur vie spirituelle. On se purifie dans l'eau du fleuve, on y fait ses ablutions, on le boit, on y vit sur sa rive ouest cernée de grands emmarchements, les Ghat (la ville ne s'étend que d'un côté ; de l'autre s'étire la plaine alluviale...), mais on y meurt aussi, on y brûle les dépouilles des défunts. Rien de plus sacré que de mourir à Varanasi : on arrête ainsi le cercle des réincarnations... Des centaines de vieillards viennent finir leurs jours ici, dans des mouroirs pour les plus pauvres.

Nous nous baladons l'aprés-midi dans les petites venelles piétonnes, à l'abri du soleil, où nous croisons une grande foule d'Hindous, de Musulmans, de touristes, de carioles, de boutiques, de vélos, de chiens harassés par la chaleur, de chèvres, de vaches. Ces dernières sont bien portantes. Certaines sont même énormes et occupent une bonne largeur des petites rues. La vie de vache sacrée semble être plus douce à Varanasi qu'ailleurs. Cela dit, elles ont de quoi festoyées dans les détritus qui jonchent les artères...Et nous, pauvres piétons, nous avons de quoi glisser parmi leurs bouses !

Les touristes, jeunes ou moins jeunes, pour la grande majorité, se drappent aux couleurs locales. Ambiance baba-cool dans les vêtements et les cheveux, avec des coupes qui oscillent entre dread-locks et crâne rasé, houpette et queue de cheval effilée.

Le son des sitars, des tablas et des chants indiens émanant des échoppes de musiques accompagnent notre déambulation. L'ambiance est vraiment suave et agréable...

Le soir, nous assistons à une cérémonie au bord du Gange. Une grande foule de pratiquants et de touristes (perdus entre les Hindous, ou assis dans des barques en bois sur le fleuve, en vis-à-vis des marches) participent aux chants, aux rituels et aux prières des religieux. C'est coloré, c'est envoutant, c'est reposant... Juste une soirée calme et sereine, dans la vie de la Cité millénaire.

Au loin, des bûchers continuent de s'embraser...

Nous prenons ensuite la route, dans le cahos d'une circulation incroyablement dense et bordélique (si vous me passez l'expression...), d'un délicieux restaurant. Situé dans un hôtel, c'est probablement le plus chic que j'ai fréquenté au cours de ce voyage indien, et assurément le meilleur. Nous festoyons de naan, de malai kefta, de chiken masala, de banana lassi, tout en fêtant la bonne nouvelle de l'affectation acceptée d'Emilie dans l'Académie qu'elle avait réclamée. La grande classe pour finir une journée merveilleuse !!

Aujourd'hui dans le monde :
MISE AU POINT - La description de l'Inde que je vous dresse depuis quelques jours déjà pourrait vous sembler tristement lugubre si on s'arrête aux seuls détritus, à la pollution, à la misère, aux bouses de vaches, et autre manque d'hygiène. C'est toute l'antinomie, toute la contradiction de ce pays : je serai incapable de dire à quiconque "n'y allez pas, c'est trop fou"! Au contraire, "allez-y!!!" parce que c'est fou, parce que c'est merveilleux, envoutant, simplement beau, imprégné de mille cultures ancestrales, parce que c'est rude, sincère, déchirant, parce que c'est cahotique et émouvant. Une expérience qui charme ou effraie, mais qui ne laisse pas indifférent...